La résidentialisation, une forme d’urbanité (Anthony Venturi)

 

Le terme est apparu à la fin des années 90 en réponse à deux préoccupations :

  • Réintroduire de l’urbanité dans des grands ensembles aux espaces publics souvent peu structurés par le réaménagement de ces espaces autour des rues, squares, places, etc. ;
  • Sécuriser l’espace : contrôler l’accès aux immeubles, éloigner la circulation automobile des grands ensembles.

Depuis la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003, qui fixait un objectif national de résidentialisation de 200 000 logements locatifs sociaux, la quasi-totalité des projets de renouvellement urbain font référence à ce type d’opération tout en renvoyant à des principes, des ambitions et des types d’aménagement différents selon les sites. Dès lors, il est intéressant d’étudier cette forme d’urbanité.

La présente note donne dans un premier volet une définition de la résidentialisation en tant qu’opération d’urbanisme, puis dans un second volet elle examine les conditions d’une résidentialisation réussie.

I. La résidentialisation, une opération d’urbanisme

En s’institutionnalisant au travers de la loi du 1er août 2003, la résidentialisation est devenue un outil principalement utilisé dans les opérations visant le patrimoine des bailleurs sociaux publics. Il s’agit la plupart du temps de marchés publics dont la procédure de mise en œuvre, les objectifs, le déroulement de l’opération, ainsi que son financement sont déterminés et formalisés.

I.1. Les trois aspects de la résidentialisation

L’aspect spatial de l’opération tend à donner un statut défini aux espaces entourant les immeubles d’habitation. Elle peut matérialiser un espace donné par différents éléments physiques (végétalisation, murs, grilles, etc.) ou alors le mettre en évidence de manière symbolique (changement de matériau, de coloration,…). Toutefois ces opérations s’accompagnent souvent de création de voiries qui morcellent un peu plus l’espace. Cette réduction d’échelle aux ensembles d’habitation peut conduire à des tentatives d’appropriation illicites par les habitants et conduire à de l’insécurité.

Cette notion de sécurisation est un autre aspect de la résidentialisation. Il s’agit de résorber les désordres présents sur ces espaces au statut indéfini (mettre fin aux occupations illégales, dégradations, etc.). Cependant, cette intervention peut-finalement créer un entre soi, un espace aseptisé de par ses accès contrôlés et surveillés signalant tout intrus, et peut conduire à des privatisations de l’espace public et à la création de gated communities anglo-saxonnes.

Enfin le dernier aspect concerne la gestion et l’entretien de ces espaces. Bien que délimités administrativement, leur gestion (entretien, nettoyage) est délicate et source de conflits entre les locataires et les bailleurs si ces derniers ne fonctionnent pas en parfaite coordination avec les services municipaux concernés.

I.2. Déroulement et financement d’une opération de résidentialisation

Tout d’abord, une concertation va intervenir entre les différents acteurs demandeurs. Cet ensemble hétéroclite peut être constitué de propriétaires (syndicat de copropriété) désireux de limiter les taux de vacances ou encore de satisfaire le mécontentement des habitants par exemple, ou de la municipalité soucieuse de redorer l’image de la ville. La mise en place du programme, négociée entre acteurs peut être facilitée par un Grand Projet de Ville. D’autres objectifs notamment sociaux émanant d’une volonté politique peuvent s’ajouter.

Ensuite les aspects de gestion sont abordés pour établir un prévisionnel financier. En effet, il s’agit de déterminer les coûts d’entretien pour les services municipaux, pour le bailleur et les impacts éventuels sur les loyers. De nombreux utilisateurs sont sollicités tels que la municipalité, le bailleur propriétaire, les collectivités territoriales et l’État via l’agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). En ce qui concerne le coût des travaux, les mêmes acteurs sont impliqués. Ces actions sont intégrées à des programmes issus du programme national de rénovation urbaine (PNRU) et sont donc financées par l’État à hauteur de 30%.

Sur le terrain, un diagnostic du quartier est réalisé en amont (cartographies, interviews, reportages photographiques, etc.). Une fois réalisé, le projet peut s’affiner et peut s’opérer le choix du maître d’œuvre. Ces processus sont participatifs et impliquent les habitants dans la réflexion. Enfin, après discussions, le projet présenté par le maître d’œuvre est validé par les financeurs et décideurs.

Les démarches de résidentialisation sont parties intégrantes d’un processus qui n’a de pertinence que s’il est inclus dans un projet urbain global sur le long terme tenant compte de l’ensemble des problématiques d’un quartier.

II. Les conditions de réussite de la résidentialisation

La démarche de concertation et la prise en compte de la parole des habitants accompagnent désormais la plupart des projets urbains. De plus la création d’espaces mutables et le renouvellement des destinations et des usages des lieux impliquent la définition de politiques de gestion.

II.1. La concertation, un élément clé

Il est essentiel que l’élaboration du projet de résidentialisation s’appuie sur une bonne connaissance du fonctionnement social du quartier et des usages des habitants. Ces derniers devront être étroitement associés à la réflexion sur le projet, à travers un processus de concertation à définir de façon partenariale et à intégrer au cahier des charges des concepteurs. La concertation repose avant tout sur un engagement politique. Certains aspects du projet se négocient et d’autres non. Il est important de dialoguer avec les habitants d’un quartier pour en connaître leurs analyses et leurs opinions dans le cadre d’un projet de requalification.

Cependant ce n’est pas toujours facile de mobiliser le public, certaines classes sociales notamment populaires refusent souvent d’y participer. De plus, la durée d’une concertation nuit à la concertation. En effet, dans l’environnement urbain les taux de rotation de la population dans les quartiers sont élevés et chaque année il faut réexpliquer et réengager le dialogue avec les nouveaux venus. De plus il faut souvent tenir compte des jeunes adultes qui ont pu exprimer des avis différents lorsqu’ils étaient adolescents.

D’autre part, la mise en place d’un travail partenarial solide entre le bailleur et la collectivité est primordiale. En effet, les opérations de résidentialisation se situent à la convergence des territoires d’intervention des deux acteurs. La collectivité intervient sur l’espace public, qui le plus souvent est placé sous la responsabilité de gestion du bailleur. Ainsi, la coordination entre les opérations de résidentialisation et les opérations voisines (aménagement de voiries, de stationnements, etc.) est fondamentale pour éviter que l’une ne s’impose à l’autre.

II.2. Une bonne gestion urbaine pour pérenniser l’opération

Afin de pérenniser les investissements réalisés, il convient dans un premier temps d’anticiper les modalités et le coût de la gestion des nouveaux aménagements qui seront réalisés et cela, dès le stade de conception du projet. Par exemple, préférer des haies vives à des haies devant être régulièrement taillées, ou encore choisir un revêtement résistant. Pour éviter des désaccords ultérieurs, il est important de consulter les gestionnaires au moment de la conception.

De plus, il est nécessaire de clarifier les modalités de gestion futures du quartier en déterminant qui fait quoi et où. En effet, l’opération introduit des modifications dans la morphologie urbaine dont les gestionnaires doivent tenir compte. Aussi, les investissements doivent faire l’objet d’une bonne gestion. Il arrive que les gestionnaires soient responsables d’un territoire plus large que l’emprise du projet. Par conséquent, il faut tenir compte de surcoûts éventuels pour l’un des acteurs. De plus, des conventions de gestion peuvent être conclues entre les intervenants afin qu’ils puissent agir sur les territoires les uns des autres.

Enfin, il faut se donner, si possible, les moyens de réinventer a posteriori pour ajuster les aménagements et corriger d’éventuelles erreurs ou oublis.

Les projets de résidentialisation développés au cours de ces dernières années ont eu plus ou moins de succès. Des jardins grillagés comme des cours de prison, des plantations non entretenues qui ont eu des conséquences désastreuses pour certains quartiers. La mise en œuvre d’un processus de résidentialisation standardisée n’est pas la solution. Car la partition de l’espace sans tenir compte de ses dimensions sociales et urbaines pose un risque de fragmentation.

L’ambition de cette forme d’urbanité est de réinventer, au sein de chaque grand ensemble, la diversité des lieux, dans leur nature, et leur perception. C’est un des leviers d’une transformation plus durable de l’espace du quartier et de ses relations avec le contexte urbain. En accompagnement d’opérations de restructuration d’un quartier, de démolitions et de réhabilitations, elle s’affirmera comme un des facteurs d’une démarche de requalification qui saura entretenir la diversité de ses moyens d’intervention et demeurer capable d’évolutions.

Sources :

Espinas J., 2002. Résidentialisation, une nouvelle urbanité ? Un point de vue de la Délégation Interministérielle à la Ville, 97 pages.

De Verneuil L., Korn P. & Mora B, 2008. Les projets de résidentialisation : points de vigilance et recommandations. Habitat n°122, 52 pages.

Site internet :

Résidentialisation. In : Wikipédia. [En ligne]. Disponible sur :

<https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9sidentialisation>.

(Consulté le : 24/10/2016)

 

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