David Mangin, La ville franchisée, FORMES ET STRUCTURES DE LA VILLE CONTEMPORAINE (L. Brossy)

David Mangin, est un architecte urbaniste français né en 1949 à Paris. Il est aussi professeur à l’Ecole d’Architecture de Versailles, puis à celle de Marne la Vallée, et enfin aux Ponts et Chaussées. Outre sa carrière dans l’enseignement, David Mangin est associé à l’agence Seura, où il participe, entre autre, à l’aménagement d’espace publics. Il porte un intérêt particulier pour les réflexions sur les grands territoires de l’urbanisation contemporaine.David Mangin a également reçu le prix de France Culture et de la revue d’urbanisme La Ville à lire pour son ouvrage La ville franchisée – Formes et structures de la ville contemporaine. David Mangin milite, pour une ville passante plutôt qu’en cul-de-sac, métisse plutôt que monofonctionnelle et sectorisée.

Le XX ème siècle est marqué par des phénomènes économiques, sociaux et culturels qui ont influencé la tendance d’évolution des villes et la mobilité de ses populations. L’élément décisif de l’urbanisme du XXe siècle est la victoire de l’automobile. L’industrialisation de la voiture et la pensée économique du taylorisme débutent avec la Ford T au début du siècle mais c’est à partir de la seconde moitié du XX ème que la voiture se démocratise. En effet, le développement de la voiture permet plusieurs changements importants : les villes s’adaptent en questionnant la place des piétons par rapport aux voitures, l’usages des voies,… Jusqu’à la seconde guerre mondiale, celle-ci n’était pas acquise. Comme la plupart des phénomènes de masse, cette victoire de l’automobile et son impact sur l’urbanisation se sont accompagnés d’un sentiment d’évidence : peu d’acteurs avaient suffisamment de recul pour réfléchir à la façon dont la voiture était en train de transformer la ville.

Ce point étant désormais acquis, David Mangin fonde son analyse sur trois paramètres principaux.

Le premier est la façon dont les infrastructures routières ont façonné les agglomérations à partir de 1960. Avec l’exposition de l’automobile, les villes ont du s’adapter. En effet, on voit apparaitre des problèmes de congestions dans les villes. Ainsi, apparaissent de plus en plus de voies de contournements à la périphérie des villes et de voies de transit interurbaines qui raccordent les villes. La mobilité croissante est donc assurée mais induit des difficultés pour accéder aux différents secteurs . Les autoroutes, qui se développent à l’échelle internationale, permettant ainsi de relier les grandes villes entre elles, longent les villes de tailles moyennes qui ne sont que raccordée par des brettelles. Il a ensuite été compris que ces lieux de croisements étaient propices à l’implantation de certains établissement à vocation commerciale. Ces nouveaux lieux de mobilité ont donc créé des nouvelles centralités au point de rencontre des autoroutes et des routes nationales.

Le second paramètre concerne les stratégies de l’urbanisme commercial, comprenant les grands centres commerciaux mais aussi par exemple les parcs d’activités ou complexes touristiques, eux aussi liés aux nouveaux modes de déplacement. Dans les années 1960, se sont les hypermarchés qui se développent permettant de concurrencer les grandes surfaces américaines avec une exclusivité de produits alimentaires. Puis vient la création des galeries commerciales qui proposent d’autres articles de consommation. L’époque des trente glorieuses correspond à un boom économique qui développe largement la consommation des ménages. Les grandes chaines se mettent donc a créer  leur propre enseigne qui condense en leur sein divers produits de consommation comme de l’électroménager, alimentation, loisirs,… De plus, les centres commerciaux impliquent la création d’importants parkings. Ceux ci se développent aux points de raccordements des autoroutes et des voies nationales. Ces centres commerciaux sont donc une vitrine publicitaire puisqu’ils sont situés au bord de la route. La taille des parkings se calculent en pensant à l’affluence des jours de congés où ces lieux sont largement investis.  En plus des centres commerciaux, ces nouvelles centralités accueillent de nombreux restaurants et hôtels. Le design des enseignes et l’architecture particulière des ces infrastructures se veulent visibles et remarquables depuis la route. On voit donc un changement dans le paysage, qui vient être séquencé par des panneaux publicitaires. On peut ajouter que l’apparition des hôtels en bord de route à prix bas se sont développés pour répondre à la demande des ouvriers qui venaient pour construire les centres commerciaux. Enfin le dernier élément qui se développe dans ces lieux sont les zones de loisirs qui permettent un large choix d’activités. En effet, on voit l’apparition par exemple d’énormes complexes de cinémas.

Le troisième et dernier paramètre soulevé par David Mangin correspond aux formes de l’étalement résidentiel, qui s’est développé en France à partir des années 1970, de façon relativement tardive par rapport aux États-Unis, où d’emblée avait prévalu le modèle pavillonnaire. En effet, la situation économique des années 50 ouvre de nombreuses et avantageuses opportunités économiques grâce à une politique d’aide aux crédit. Le contexte économique, Welfare state, et social ( Federal Housing Administration) poussent les populations à l’accession à la propriété. La bourgeoisie va s’approprier les valeurs de la bourgeoisie, proche du mythe de l’arcadie ( retour a la nature, rêve de régénération morale) et ainsi aborder la revendication de la propriété privée. L’explosion de la banlieue est donc due à la démocratisation de la voiture, comme produit de consommation de masse. L’expansion de la voiture entraine de nouvelles réflexions sur la configuration des formes des villes, qui doivent intégrer désormais la voiture comme déterminant essentiel de l’espace urbain. De nombreuses réflexions sur l’extension des plans des villes sont menées: en France on peut penser aux grands ensembles, aux Etats Unis le projet de Levittown, ou de Broadacre city de Wright. Cependant ces modèles urbains ont été critiqué largement à la fin de la deuxième moitié du XX ème siècle. L’urgence de la situation post seconde guerre mondiale donne comme résultat des banlieues devenues des zones en marge de la ville, mal desservis,… En réaction à cette situation, s’opère donc une politique de destruction massive de ces grands ensembles jugés obsolètes: par exemple on parle de « sarcellites » pour les habitants souffrant d’habiter dans le grand ensemble de Sarcelles, ou bien on peut prendre l’exemple du grand ensemble de Saint Louis détruit 20 ans après sa construction. Ainsi on voit dans les années 70 l’exposition des lotissements. Ces quartiers exclusivement résidentiels, très homogènes se développent autour d’une unique voie en boucle qui dessert les logements. Le problème qui se soulève est le manque de lien entre ces différents lotissements qui fonctionnent comme des systèmes autonomes, coupés de la ville. De plus la morphologie des ces lieux ne permet aucunement une évolution et une densification des espaces se qui résultera à ce qu’on appelle un urbanisme de secteur.

Ainsi le titre du livre peut s’interpréter selon deux sens. Il dénonce dans un premier temps l’expansion de l’urbanisme de produits à la place d’une réflexion urbanistique dans une démarche de projet urbain, c’est à dire que le développement de ces enseignes et infrastructures économiques et commerciales se sont basées sur une architecture et un modèle urbanistiques standardisés qui se sont reproduits sur l’ensemble du territoire. Le second sens renvoie aux franchises domaniales de l’époque médiévale. Les limites entre privé et public sont ambigües. La critique porte sur l’apparition massive de barrières qui forment des enclaves dans la ville, que se soit pour une morphologie de ville radio concentrique ( modèle européen) ou un système de grille ( modèle américain). L’étalement résidentiel a provoqué la suppression de certains modes de transports en communs dans les villes ( tramway de Los Angeles par exemple).

L’auteur propose enfin trois hypothèses d’évolution . La première consisterait à continué,sans prendre en compte l’ensemble des problèmes soulevés, où les soucis énergétiques seront de plus en plus nombreux. La deuxième hypothèse évoque un retour en arrière, c’est à dire un développement généralisé des transports en commun, hypothèse qui est probablement le reflet de la mentalité actuelle.Enfin, la troisième hypothèse est ce qu’il appelle « l’utopie concrète » qui, outre le développement des transports en commun, viserait à remodeler la morphologie des villes. En considérant la densification actuelle des villes, il faudrait penser à revoir les systèmes de secteurs dans les périphéries des villes qui se caractériseraient non plus comme des entités indépendantes en marge des villes, mais comme des lieux définis comme continuité de la ville.

Réflexion approfondie menée par David Mangin, cet ouvrage revalorise l’analyse de la forme urbaine, dont il déplore un certain désintérêt dans les disciplines travaillant sur les phénomènes urbains.

L’avènement de l’automobile a apporté de lourdes conséquences sur l’urbanisation accélérée des villes depuis les quarante dernières années. Cette nouvelle mobilité a favorisé l’étalement urbain. La ville ne cesse de s’accroître, remodelant alors le territoire. La caractérisation de la ville selon son centre et ses faubourgs n’est plus d’actualité. Désormais le paysage urbain est fait d’infrastructures qui maillent et irriguent les lotissements résidentiels toujours plus étendus. Les enseignes des franchises internationales fleurissent autours des nouvelles aires commerciales et de loisirs.

Cet ouvrage vise à privilégier une lecture des formes plutôt que celle des processus. Force est de constater, particulièrement en urbanisme, que le renouvellement des méthodes d’analyse morphologique permet d’appréhender les nouvelles réalités matérielles de la ville contemporaine.Le rôle de l’état dans la définition des espaces publics pose la question de la globalisation de l’économie. Au travers différentes villes dans le monde ( USA, Asie, France) l’auteur ne reste pas qu’analytique et défend un modèle d’une ville passante dans laquelle l’optimisation des contraintes de déplacement et l’invention des formes urbaines seraient moins dépendantes de l’automobile.

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