Les Organismes Fonciers Solidaires _ Thomas Martal

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Organisme foncier solidaire

 

Un Organisme Foncier Solidaire (OFS) est un organisme à but non lucratif agréé par l’Etat qui acquiert et gère des terrains. Il permet de dissocier le terrain (foncier) et le bâti afin de vendre à un prix abordable le bâti. C’est un outil pour faciliter l’accession à la propriété en soustrayant le prix du foncier. L’accessibilité dans le temps du bâti est garantie par des clauses anti-spéculatives et la revente à l’OFS.

 

 

Historique et géographie

 

Origines              

Les organismes fonciers solidaires sont la traduction dans le droit français du principe d’origine américaine appelé « Community Land Trust » (CLT). Ils s’inspirent des modèles de vie communautaires (notamment les Garden-cities de E. Howard) et coopérative nés dans les années 50 en Inde : Bhoodan Movement, Land Gift Movement, Gramdan Movement.

Les modèles indiens, s’ils ne procèdent pas du même mécanisme que les « Community Land Trust » contemporains (dissociation foncier-bâti), ont été à l’origine de l’intérêt pour des solutions solidaires en matière d’accès à la propriété des populations les plus défavorisées.

Expérience américaine

Ce modèle est apparu à la fin des années 60 sur la côte Est des Etats-Unis. Le premier exemple d’application du CLT a vu le jour en 1969 à Albania (Géorgie) et visait à faciliter l’accès des fermiers afro-américains aux terres agricoles. Les CLT se sont ensuite développés rapidement dans les années 80 dans la région de la Nouvelle Angleterre (parmi les pionniers de ce système, Bernie Sanders en 1983). Il existe aujourd’hui plus de 250 Community Land Trusts aux Etats-Unis, disséminés dans 45 états.

Originellement destiné à l’accession à la propriété uniquement, le modèle américain s’est diversifié pour proposer une offre d’accession et une offre complémentaire de location afin de permettre aux ménages les plus modestes (sans accès au crédit) de rester dans les quartiers attractifs.

Exportation du modèle

Le modèle américain a ensuite été repris en Angleterre au milieu des années 2000 puis en Belgique récemment. L’Italie (Turin) et l’Australie ont récemment mis plusieurs projets à l’étude.

Arrivée en France

D’abord purement universitaire, l’intérêt français pour le modèle du community land trust s’est développé au cours des dernières années, poussé par sa médiatisation croissante et par les exemples plus proches de l’Angleterre (170 CLT aujourd’hui) et plus récent encore de la Belgique. L’EPF d’Ile-de-France s’est par exemple penché sur la question en 2012, et se posant la question de la traduction du modèle américain, souvent rural, à des situations de forte pression foncière.

 

 

Objectifs et enjeux

Les organismes fonciers solidaires ont pour but de capter et de limiter la plus-value foncière et immobilière en se portant acquéreur de foncier et en « revendant » le bâti sur le modèle d’un bail emphytéotique strictement encadré par des clauses anti-spéculatives (appelé bail foncier solidaire). Ils sont une alternative à la propriété privée du sol et la rente qui peut en découler.

L’objectif est de soustraire des terrains au marché durablement (conservation du foncier à perpétuité) afin de limiter la spéculation foncière et de dissocier le prix du terrain (foncier spéculatif) du prix du bâti (moins spéculatif).

 

L’achat d’un logement à un OFS permet donc d’acheter moins cher que le prix du marché, étant donné que l’achat ne concerne que le bâti. De plus, les baux fonciers solidaires (contrats) empêchent la spéculation à la revente qui se fait selon un prix encadré. C’est un des avantages majeurs de ce système par rapport à un système d’accession à la propriété classique, dans lequel l’investissement public initial ne bénéficie qu’au premier accédant, lequel empoche ensuite la plus-value. Ici l’argent public investi est immobilisé dans le foncier et ne peut pas être dissipé.

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L’accessibilité du logement sur le long terme est garantie par cette dissociation bâti-foncier et l’encadrement du prix de revente. Elle permet l’accession à la propriété de ménages modestes. Pour les ménages les plus pauvres, un parc locatif abordable peut également être mis en place.

Un des rôles subsidiaires de l’OFS est de lutter contre la gentrification et la pression foncière qu’elle cause sur les ménages modestes, les poussant à partir. L’Organisme Foncier Solidaire est présenté comme une solution potentielle à la crise du logement en France. Néanmoins les initiatives sont encore à l’état expérimental en Europe et il faudra probablement attendre longtemps avant qu’ils prennent une part active à la gouvernance des villes françaises.

 

Gestion et fonctionnement

 

Un organisme foncier solidaire est un organisme à but non lucratif. Il achète le terrain foncier et a vocation à le conserver à perpétuité.

La gestion de l’organisme foncier solidaire est assurée par : 1/3 d’habitants du quartier, 1/3 d’habitants bénéficiaires de l’organismes et 1/3 de représentants d’organismes publics ou privés en lien direct avec le projet. Les deux premiers tiers sont élus annuellement en assemblée générale. Les habitants forment donc une communauté démocratique qui oriente la gestion de son propre cadre de vie. N’ayant pas un but lucratif, l’OFS fonctionne selon une logique d’extension patrimoniale (le foncier ne peut être vendu).

Le financement des organismes foncier solidaires s’appuie sur des dons et financements publics ou privés pour son budget d’acquisition et développement ; et sur les frais de gestion prélevé soit par les cessions pour son budget de fonctionnement (des financements publics peuvent également aider l’organisme si besoin).

 

Outils juridiques

 

Les outils législatifs concernant les OFS sont récents. La loi ALUR (2014) a d’abord constitué un cadre légal et une définition juridique des organismes fonciers solidaires (article 164). Un « Bail foncier solidaire » est venu compléter le dispositif et le rendre opérationnel en 2016 avec la loi Macron (ordonnance du 19 juillet 2016). Le décret d’application des Organismes fonciers solidaires a été pris le 12 septembre 2016.

Les Organismes fonciers solidaires sont donc des acteurs nouveaux dans le champ français. Peu connus du grand publics, leur initiative se cantonne pour le moment à l’expérimentation.

 

 

 

Exemples

 

Etats-Unis

Le « Champlain housing trust » in Burlington, Vermont est probablement le Community land trust le plus connu outre-Atlantique. Initié en 1984 à l’occasion d’une hausse des taxes locales par le maire de Burlington, Bernie Sanders, l’organisme a grandi très rapidement ces dernières années et gère aujourd’hui près de 15% du marché de logement de la ville, soit 2600 logements (6000 membres) et une quinzaine de locaux commerciaux et équipements.

Son fonctionnement opérationnel est assuré par 90 employés, tandis que la vision stratégique et l’affectation des 90 millions de dollars de budget de développement est impulsée par des membres élus qui habitent dans le CLT.

Les CLT présents aux Etats-Unis restent aujourd’hui principalement présent dans les zones à faible pression foncière, mais des expérimentations à New York sont actuellement à l’étude.

 

Belgique

La ville de Bruxelles a mis en place en 2013 un community land trust, dont les premiers logements ont été livrés en 2015 à Mollenbeek. La séparation du foncier et du bâti à Bruxelles permet de mettre en vente des logements à un prix 30 à 50% plus bas que le prix du marché privé.

 

France

Il n’existe à ce jour aucun OFS en France, mais au moins deux sont actuellement à l’étude à Lyon et Lille.

 

 

Bibliographie sélective

 

ATTARD Jean-Pierre., 2012, Dissociation de la propriété du sol et du logement : Transposition des pratiques des community land trusts aux activités de l’Etablissement Public Foncier d’Ile-de-France, EPF IDF (lien) (bibliographie très documentée)

CIARDULLO Maxwell, 2012, “Community Land Trusts and Rental Housing: Assessing Obstacles to and Opportunities for Increasing Access », Master Thesis, Umass Amherst (lien)

DAVIS John, 2010, The Community Land Trust Reader, the Lincoln Institute of Land Policy          (traduit en français sous le titre : Manuel d’antispéculation immobilière, 2014)

DAVIS John, 2014, Origines and Evolution of the Community Land Trust in the United States (lien)

LE ROUZIC Vincent, 2014, « Le community land trust, un modèle pour l’accession sociale à la propriété dans les villes globales ? », mémoire de recherche, Paris Ouest Nanterre (lien)

MISRA Neha, 2014, “Gramdan Movement: Objectives, Success and Problems” (lien)

 

 

Références et notes

 

http://www.getahome.org/about/history (lien pour le site du Champlain Land Trust)

https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2016/9/12/LHAL1601366D/jo/texte (décret d’application de la loi ALUR)

http://www.rtbf.be/info/regions/bruxelles/detail_molenbeek-community-land-trust-inaugure-des-habitations-a-cout-abordable-sur-un-sol-commun?id=9087945 (CLT Bruxelles)

http://www.lemoniteur.fr/articles/la-metropole-veut-son-organisme-foncier-solidaire-31205647 (OFS en cours de création à Lille)

http://www.espacite.com/ (agence de conseil et d’accompagnement à la création d’OFS en France)

 

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