Les voies sur berges : Vers une politisation de la question métropolitaine ? (Lucas Eldin)

            Alors que certains essaient de montrer que la gestion municipale devient de plus en plus dépolitisée, a pietonnisation des voies sur berges a relancé une opposition dure sur le sujet urbain. Cette décision pose justement la question du rôle de la Métropole qui est devenue le porte-étendard de la gestion dépolitisée.

            Les voies sur berges : Un sujet métropolitain ?

Lors de la séance du Conseil de Paris, le 26 septembre dernier, des élus de la petite couronne parisienne ont fait irruption dans la salle afin de protester contre le vote sur la piétonisation des voies sur berges qui devaient intervenir. Ils dénonçaient une décision unilatérale du Maire de Paris qui ne manquerait pas d’avoir des effets indésirables pour l’ensemble de la Métropole.

Ce conflit s’est d’ailleurs en partie réglé devant les tribunaux puisque le tribunal administratif de Paris a estimé le 15 novembre que « Les arguments des requérants ne permettaient pas de caractériser un doute sérieux quant à la légalité de ce projet pouvant justifier sa suspension ».

Au delà de cette décision judiciaire et des postures politiciennes souvent adoptées par les élus, cette affaire pose la question de la gouvernance de la métropole. Beaucoup se sont alors interrogés sur les différentes lois qui ont organisé le Grand Paris et qui ne semblent pas avoir atteint leur but. Il s’agit surtout ici de comprendre comment une gouvernance de la Métropole –appelée par tous ceux qui s’intéressent à la question- gagnerait à acquérir une véritable légitimité politique pour statuer sur ce genre de sujet.

 

            Une Métropole faible ?

Le projet de loi MAPTAM (Modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles) et l’article 59 de la loi NOTRe (Nouvelle organisation territoriale de la République) ont en effet organisé le fait métropolitain autour des 12 territoires et du Conseil de la Métropole.

Bien que présidé par l’élu LR Patrick Ollier, la Métropole du Grand Paris ne s’est cependant pas emparé de ce dossier. La gouvernance du Conseil de la Métropole est en effet dans une phase de lancement et évité d’aborder des questions aussi sensibles au moins jusqu’à la récupération au 1er janvier 2017 de ses compétences de pleins droit (surtout liées à l’urbanisme). C’est ainsi que les vice-présidences ont été distribuées proportionnellement au poids des groupes politiques du conseil.

Dans le cas de la piétonisation des berges de Seine et d’autres sujets, cette gouvernance partagée pose question. Il s’agirait donc de construire une entité politique au sens plein du terme qui gagnerait ainsi en légitimité et en lisibilité et pourrait s’insérer dans ce type de débat. Car la faiblesse de la Métropole réside dans ce manque de légitimité qui l’empêche de se positionner face à d’autres instances directement élues (municipalités, conseil régional…), et aussi dans son manque de politisation qui l’oblige à une recherche constante du consensus qui se transforme trop souvent en immobilisme (Dans le même temps, la maire de Paris a pu obtenir de nouvelles compétences grâce à un bras de fer politique avec le Premier Ministre).

Les compétences qui échoueront au 1er janvier 2017 vont peut-être pousser à cette politisation pouvant rendre la Métropole plus lisible et légitime.

LUCAS ELDIN

 

Faussaire de l’histoire, faussaire de la ville ! (Lucas ELDIN)

            Lorant Deutsch est un acteur français, pourtant il est plus connu ces dernières années comme étant un spécialiste de Paris et de son « histoire ». Ses ouvrages comme « Métronome » ont en effet été vendus à des millions d’exemplaires mais quelles visions de la ville et de l’histoire présente-t-il vraiment ?

 

Un « vulgarisateur » de l’histoire de Paris

 

Si les louanges de Lorant Deutsch sont souvent chantée c’est d’abord qu’il est présenté comme un écrivain rendant l’histoire accessible à tous sans un vocabulaire de spécialiste ou des démonstrations compliquées. C’est d’ailleurs grâce à cette vulgarisation qui ne s’appuie pas toujours sur les travaux de réels historiens que ses écrits exposent une vision partisane et royaliste d’une histoire de Paris qui deviendrait automatiquement celle de la France. Beaucoup d’historiens se sont d’ailleurs insurgés contre cette vision identitaire et non sourcée[1].

Le sous-titre montre d’ailleurs qu’il va à rebours de la majorité du travail effectué actuellement par les chercheurs. Dans Métronome : l’histoire de France au rythme du métro parisien, l’acteur se propose d’expliquer l’histoire de France à travers les anecdotes des rois et reines de France. Il réduit la France à ses dirigeants et à la ville à partir de laquelle ils gouvernent alors même que l’historiographie tend enfin à s’intéresser à une histoire sociale loin d’un quelconque roman national.

 

Un guide touristique ?

 

Au delà de la question scientifique, ce livre est surtout intéressant dans sa construction, qui plus que de présenter l’histoire d’une ville, devient un véritable guide touristique et participe dans une certaine mesure à la « muséification » de Paris. Ce type d’ouvrage contribue en effet à « disneylandisé » Paris en en faisant un immense terrain de jeu pour des touristes venus de la France entière voulant découvrir les lieux autour des stations de métro dont parle Lorant Deutsch.

On peut d’ailleurs noter que l’auteur a reçu la médaille vermeil de la Mairie de Paris par Bertrand Delanoë reconnaissant ainsi la publicité faite à Paris par son livre. C’est aussi dans ce cadre que le groupe du parti communiste du conseil de Paris a contesté la décision par la voie de Danielle Simonnet la porte-parole du groupe : « C’est très inquiétant que la Ville ait abondé dans la pipolisation culturelle et qu’elle soutienne un ouvrage contestable ».

 

            Ce livre –vendu à plus d’un million d’exemplaire- est donc contestable à plus d’un titre. Outre la vision partisane utilisée par son auteur, il faut bien comprendre le changement de paradigme qui s’opère dans la vulgarisation de l’histoire des villes. Il ne s’agit plus dans cet ouvrage d’expliquer la ville mais plutôt de la présenter, d’en faire une suite d’anecdotes amusantes. Ce n’est donc plus un livre historique mais plutôt un guide touristique fourmillant d’anecdotes pas toujours vérifiées.

[1] http://rue89.nouvelobs.com/rue89-culture/2012/05/20/le-metronome-de-lorant-deutsch-un-livre-ideologique-231697

FINANCER LA MOBILITÉ : APPROCHE DIFFÉRENCIÉE DES MÉTROPOLES PARISIENNE, LONDONIENNE ET MADRILÈNE. (Marie FILHOL)

Les grandes métropoles européennes font face à des problématiques d’attractivité de leur territoire, et une des caractéristiques majeures de cette compétition est la question des transports. Dans cette optique, les capitales européennes tentent de développer leur offre de transports publics, notamment par l’extension de leur réseau, avec des stratégies différentes. Il s’agit ici de faire un bilan des stratégies envisagées par les villes de Londres, Madrid et Paris face à cet enjeu des mobilités.

La qualité des réseaux de transports en commun se résume en deux objectifs : son perfectionnement (d’une part par l’entretien du matériel, mais aussi par l’amélioration de la régularité des trains), ainsi que le développement de l’offre (notamment par une diversification des modes de circulation, à l’extension du réseau, voire la création de nouvelles lignes).

Des stratégies différentes : la gestion du réseau existant

De façon générale, le financement des mobilités s’effectue par des dépenses courantes (compensations tarifaires) et par l’investissement (dépenses en capital). Face à la question de l’entretien du réseau, les métropoles ont chacune un système de gouvernance spécifique et une vision différente de gérer leur matériel.

A Paris et dans la métropole du Grand Paris, l’autorité chargée de la mobilité est le Syndicat des Transports d’Ile de France (STIF). De cette façon, celui-ci a pour ambition d’organiser et de financer le réseau de transports urbains de la région par le biais du PDUIF (élaboré par le STIF, et décliné à l’échelle des collectivités territoriales par des PDU locaux) ; et pour cela d’établir des partenariats avec différents acteurs de l’aménagement du territoire. Ainsi, d’ici 2025, l’Etat et la Région se sont engagés, à hauteur de 12 milliards d’euros à soutenir des opérations d’extension et d’amélioration du réseau existant.

Dans le cas du Grand Londres, the Great London Authority a également la compétence de la planification générale du territoire, mais qui contrairement à l’usage français ne définissent pas l’usage des sols. A Londres, l’entretien du réseau de transports collectifs de Londres a longtemps été réalisé par le biais de partenariats publics-privés, comme la société Tubes Lines, en partie responsable de la négligence de la Jubilee Line, dont la remise en ordre a finalement coûté plus de deux fois et demie plus cher que la somme envisagée[1]. Depuis, Transport for London a réintégré cette compétence à sein de sa structure, afin de pouvoir gérer les plans de modernisation du réseau de transports urbains, et en particulier a conçu un plan d’action dans le but d’améliorer la fiabilité du service (ponctualité, matériel roulant, infrastructures, etc.).

A Madrid, les problématiques de transports sont la prérogative de la Communauté Autonome de Madrid, qui organise à l’échelle régionale les mobilités. De la même manière qu’en Ile de France, la CAM élabore un Plan Stratégique Territorial, qui définit les objectifs généraux, mais dont la mise en œuvre incombe aux municipalités (en revanche, l’application de la loi est peu concluante, ainsi peu de collectivités l’ont pour l’instant implémentée). La gouvernance du réseau de transports madrilènes induit de nombreux acteurs (dont deux principaux : ADIF – Administrador de infraestructuras ferroviarias – qui gèrent les infrastructures lourdes ; et MINTRA – Madrid Infraestructuras del Transporte – qui sert de relais entre la CRTM – Consorcio Regional de Transportes de Madrid – et les gestionnaires du matériel métro et bus). Ainsi, l’investissement de la CAM s’élève à 1,6 milliards d’euros (soit 20% de ses dépenses).

L’investissement dans les transports publics

Dans le Schéma National des Infrastructures de Transport, l’ambition de l’Etat vise à soutenir le développement des transports collectifs en Ile de France ainsi qu’en Province. Par ailleurs, la modernisation et l’extension du réseau francilien est un objectif majeur de la stratégie d’aménagement du territoire et de développement économique de la région, notamment par le biais du métro du Grand Paris Arc Express, géré grâce à un partenariat entre plusieurs acteurs (Etat, Région, Société du Grand Paris, et le STIF).

Ainsi, pour la réalisation de la ligne Grand Paris Express en 2015, l’Etat et la Région se sont engagés à dégager près de 20,5 milliards d’euros. A l’horizon 2035, l’investissement de l’Etat s’élèvera à 25% du montant total, celui des collectivités territoriales sera de 70% (et les 5% restant sera financés par les contributions obtenues notamment par l’augmentation des tarifs des transports collectifs).

Cependant, Londres possède une stratégie différente d’investissement en s’appuyant sur des financement externes (partenariats publics-privés, contribution par le biais de taxes, etc.). Dans les contrats publics-privés, les montages financiers s’avèrent complexes, et relativement peu adaptés à la flexibilité requise pour les opérations d’aménagement. Par exemple, le contrat passé entre Londres et la société américaine Cubic pour le système de billetterie Oyster a posé de nombreux problèmes quand Transport for London (le gestionnaire) a voulu intégrer une tarification sociale de son service[2].

Ces mesures sont nombreuses en Grande Bretagne car l’Etat n’investit que faiblement dans les projets d’infrastructures. La mise en place de taxes calculée sur l’aménagement permet alors le développement du réseau de transports collectifs londonien : la Business Rate (payée par les entreprises à partir de la valeur locative de leur bureau, elle est collectée par l’Etat et redistribuée aux collectivités), la Business Rate Supplement (taxe additionnelle), qui est récoltée par les collectivités régionales (à hauteur maximale de 2 pence par pound) ; et pour finir le Tax Increment Financing (qui permet aux collectivités locales d’emprunter sur le marché financier sur la base du supplément de recettes futures de la Business Rate généré par la réalisation d’un projet d’infrastructure). Cependant, la chute du marché immobilier représente un danger dans le financement des opérations d’extension des infrastructures de transport (métro léger de Beckton).

A Madrid, la situation est semblable : l’Espagne a été particulièrement touchée par la crise immobilière de 2008-2009, et a eu pour conséquence le démantèlement de la MINTRA (qui finançait 1.3 milliards d’euros sur les 1.7 Md€ des dépenses en capital). Le recours au financement privé pour les nouvelles infrastructures ne fonctionne plus : les projets d’extension sont bloqués, et les fortes restrictions budgétaires sont responsables de la diminution des fréquences de rames de métro, voire la fermeture provisoire de ligne de Tramway.

La métropole de Madrid fait aussi appel à des partenariats publics-privés (DBOT : Design, Build, Operate and Transfer), qui permettent souvent la réalisation d’opérations de transport en même temps que d’urbanisme.

Malgré leurs problématiques communes de développement économique, d’aménagement du territoire, d’attractivité touristique et culturelle, etc., les métropoles européennes envisagent différemment l’entretien et l’extension de leurs services de transports.  Les outils et modes de faire dans les autres régions capitales européennes semblent toujours attractifs et susceptibles d’être reproduits chez nous. Cependant, les transpositions de « bonnes pratiques » ne sont pas si aisées, à cause du contexte varié, des modes de faire historique et de la gouvernance plus ou moins libérale.

 

[1] IAU, « Les défis des transports urbains en Europe par temps de crise », Juin 2013, p. 1

[2] « Dans le borough de Croydon, le réseau de tramway a bénéficié, à sa construction, d’un apport de financement par le concessionnaire. Sa rémunération provenant du produit des ventes de billets, quand TfL a voulu développer la tarification sociale sur le réseau, l’autorité organisatrice s’est heurtée au manque à gagner que cela représentait pour le concessionnaire et a dû mener d’âpres négociations pour qu’il accepte la nouvelle grille tarifaire. » IAU, « Les défis des transports urbains en Europe par temps de crise », Juin 2013, p. 3

Sources :

IAU, « Les défis des transports urbains en Europe par temps de crise », Juin 2013

IAU, « Les investissements de transport collectif dans les métropoles européennes », Novembre 2008

IAU, « L’articulation aménagement/transport à Londres », Juillet 2012

Direction Générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer, « Schéma national des infrastructures de transport », Octobre 2011

http://www.pduif.fr/

http://www.stif.info/

 

Intégrer par la mobilité : accessibilité et rénovation dans les quartiers informels. Le cas du Métrocable à Medellin, Colombie. (M. Aubourg)

Les comunas : particularités d’une zone sensible

Défini par le sociologue O. Useche comme « des territoires divers qui reflètent des géographies de conflits et de délinquance ou ces habitants dessinent des frontières pour établir des références d’identité », les « comunas » ou quartiers informels sont aujourd’hui au cœur des problématiques de la ville Colombienne.

Longtemps stigmatisés, ces comunas de Medellin sont le fruit d’une longue histoire, depuis les années 90, de pauvreté, d’insécurité et de narcotrafic. De plus, ces quartiers vécurent un procès pour acquisition illégale du foncier depuis les années 50 ce qui, sur le long terme, généra des difficultés dans le processus de mis en ordre de l’espace public / privée. Les facteurs exogènes du conflit Colombien ont surement marqué cette urbanité et la façon de vivre la ville qui a bouleversé les pratiques sociales des comunas.

Aujourd’hui, la ville de Medellin se redessine. Après un important investissement économique et social, ce changement a valu à Medellin le titre de « ville la plus innovante du monde » en 2014. Le projet du Métrocable illustre l’insertion des quartiers informels dans la ville et surtout formalise les dynamiques sociales d’intégration au sein même de ces quartiers.

Une zone inaccessible, une zone exclue.

L’inaccessibilité est souvent liée à des facteurs physiques et spaciaux. A Medellin ces quartiers dits inaccessibles se trouvent souvent localisés dans des zones montagneuses ou la géographie est très marqué.

Dans le cas des comunas, une zone inaccessible devient automatiquement une zone exclue tant physique comme socialement dans le sens ou ses habitants ont l’impossibilité de se mobiliser librement et ne peuvent pas donc se déplacer dans la totalité de la ville. Ces habitants créent donc leurs propres dynamiques basées sur des facteurs endogènes propres aux relations du quartier en niant complètement leur rapport à une échelle plus large : celle de la ville.

L’accessibilité physique aux territoires ne peut en aucun cas générer une inclusion sociale dans un ensemble : il faut générer la ville en parallèle. On parle ici non seulement de l’accès à l’espace public mais aussi d’une accessibilité à la ville même et aux services offerts par celle-ci.

Selon R. Thomas l’accessibilité n’est donc pas seulement liée aux contraintes physiques mais aussi aux procédures permanentes « d’ajustement de la perception du piéton, de la mobilisation du ressources (physique, social et sensible), de l’environnement de l’action en cours ». Dans son ouvrage, Thomas donne une approche sensible sur l’espace public qui pourrait certes être transposée à la ville elle-même comme un ensemble physique et sociale.

Toutefois, cette accessibilité dépend aussi de l’inclusion sociale et de la mise en agenda de politiques publiques sociales liées aux quartiers informels dit « sensibles ».

Ici, le droit à la ville évoqué par H. Lefèvre est un sujet essentiel souvent écarté dans la ville informelle. Certes, ce droit à la ville « ne peut se concevoir comme un simple droit de visite ou de retour vers les villes traditionnelles. Reformuler que comme droit a la vie urbaine, transformée, renouvelée. (…) pourtour que l’urbain, lieu de rencontre ».

Depuis les années 80, ces réflexions sur l’accessibilité ont vu un basculement favorable en Europe. C’est aussi le cas de l’Amérique Latine et plus particulièrement de Medellin : le Métrocable créé en 2004 par le département d’Antioquia et la ville de Medellin témoigne de cette évolution de pensée vers des espaces plus inclusifs et moins sectorisés. Ce système de transport aérien semi-massif compte aujourd’hui trois lignes et près de 9,37 kilomètres de parcours. L’idée initiale était donc de connecter la zone Nord Ouest de la ville de Medellin en reliant la comuna 1 appelée « Popular » et la comuna 2 appelée « Santa Cruz ». Le Métrocable qui relie la ville avec ces périphéries a été à l’époque le projet phare pour le développement du PIU (Proyecto Integral Urbano) lancé en 2001. Le PIU aspirait à intégrer le système de câble aérien avec le tissu urbain déjà existant pour ainsi générer des nouvelles dynamiques de développement local pointées sur l’environnement, le logement et l’espace public.

Ici, l’urbanisme social vise aussi une accessibilité et une inclusion dans la ville. Le dispositif créé par la ville de Medellin a renforcé le système de transport avec la création de nouveaux projets phares sur les comunas qui allaient faire vivre les quartiers.

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Bibliothèque España à Medellin
Source : http://distintaslatitudes.net/

L’intégration des périphéries dans la ville et vice-versa rend compte de nouvelles pratiques d’inclusion que les villes latino-américaines utilisent comme dispositif d’égalité territoriale.

Bibliographie

  • BRAND P., DAVILA J., « La gobernanza del transporte publico urbano: indagaciones acerca de los Metrocables en Medellin » , 2012
  • RODRIGUEZ C.,  « Análisis de los procesos de inclusion social a partir de los porgtamas de mejoramiento urbanistico. Estudio de caso Linea J Metrocable ( 2007-2010)», 2002
  • THOMAS R. « L’accessibilité des piétons à l’espace public urbain : un accomplissement perceptif situé.», Espaces et sociétés. 2004
  • Universidad Nacional de Colombia, « MetroCable de Medellin : un caso exitoso de urbanismo social», 2015
  • USECHE O., «Los nuevos sentidos del desarrollo. Ciudadanías emergentes, paz y reconstitución de lo común», 2008 : https://polis.revues.org/2745
  • http://www.plataformaurbana.cl/archive/2012/01/09/como-hacer-ciudad-el-modelo-medellin/
  • http://cambiopolitico.com/metrocable-impulsa-transformacion-social-en-medellin/51320/

 

De la mobilité à la démobilité (A.COLIN)

L’avénement de la mobilité comme facteur d’ébranlement du dispositif d’ « égalité des places »

En 1967, l’adoption du Schéma National d’Aménagement du Territoire met en place la hiérarchisation des territoires par une « spécialisation socio-économique et un emboîtement des systèmes de gouvernement » : la région parisienne, les aires métropolitaines, les villes moyennes et l’espace rural, ce que Philippe Estèbe définit comme « l’égalité des places[1] ». Cependant, à partir des années 1980, cette stratégie d’égalité des places apparaît moins efficace, voir obsolète, « en raison des transformations liées à la mobilité des personnes et des biens et à la métropolisation ». Avec la démocratisation de l’automobile, l’ « usager n’est plus captif du territoire : il devient consommateur ». Il transite alors à son grès d’une ville à une autre en fonction des services proposés et qui lui semblent les mieux adaptés, afin de « bénéficier de ce qui lui semble le meilleur en termes de qualité et de compétence ». Les habitants ne sont plus prisonniers des territoires, « ils les traversent au gré de leurs mobilités quotidiennes, hebdomadaires et saisonnières, au cours de leur cycle de vie ». Par cette quasi ubiquité, l’usager met les « territoires en concurrence », obligeant ainsi à repenser et adapter les stratégies territoriales afin de prendre « en compte l’animation des flux ». Cette mobilité engendre par exemple des coûts non négligeables à considérer lors de la conception des politiques territoriales, comme le souligne l’auteur : « desservir la population française coûte plus cher que dans les pays voisins non seulement en raison de sa faible densité globale, mais aussi parce que le morcellement communal entretient cette dynamique de dispersion, dont l’impact financier est largement sous-estimé. Une population dispersée coûte plus cher à entretenir qu’une population plus dense et plus compacte. Elle coûte plus cher en réseaux, en voirie, en énergie, en services, en personnel ». Trois échelles de réseaux métropolisés peuvent-être considérés selon Nadine Cattan. L’un concerne les réseaux d’interdépendance liés à la mobilité quotidienne des personnes, qui peut être professionnelle, domestique ou ludique. Si l’avènement de cette mobilité a permis une émancipation de l’usager par rapport à la ville (mobilité choisie), il n’en reste pas moins que cette mobilité peut tout aussi être contrainte (mobilité subie). Les déplacements professionnels par exemple « représentent que 30% des mouvements, mais 41% des kilomètres parcourus et près de 55% de la consommation d’énergie[2] » et sont parfois jugés subis, indésirables, parfois voir insupportables. De plus, en moyenne, « les urbains voudraient diminuer leur temps de transport de 1 heure ». La mobilité, qui a longtemps été considérée comme synonyme de « liberté » et d’ubiquité serait-elle entrain d’être réduite à une simple notion de contrainte? La mobilité est-elle à diminuer ?

L’émergence de la démobilité en réponse à la mobilité subie ?

Aujourd’hui, la mobilité tend à se transformer profondément, notamment par les bouleversements actuels de notre société (augmentation des prix de l’énergie, mutations des modes de travailler). Julien Damon[3] évoque de plus trois changements à prendre en compte qui sont :

  • la diminution des demandes et organisation d’alternatives aux mobilités professionnelles;
  • l’augmentation à la fois des coûts et de la demande de mobilité de loisirs;
  • la limitation des distances pour les mobilités de la vie quotidienne.

Ces changements évoqués ci-dessus illustrent notre besoin de disposer d’une nouvelle consommation de l’espace, notamment par des alternatives innovantes, tel que le concept de démobilité, pour que les usagers puissent par exemple consacrer « deux fois moins de temps à se déplacer ». La démobilité, telle que définie par Julien Damon et Thierry Paquot[4] résulte du fait que « plutôt que de chercher des moyens qui se raréfient, à investir dans les infrastructures, une autre option est d’investir, d’abord en intelligence, dans l’organisation du travail. (…) La perspective de la démobilité, qui s’incarne dans le développement du télétravail et de villes plus cohérentes, vise non pas la décroissance globale, mais l’optimisation de la vie dans les métropoles modernes. (…) La stratégie, pour une ville, consiste à diminuer les mobilités subies, en favorisant les mobilités choisies ». La démobilité est « une opportunité pour faire émerger le télétravail et un agencement écologique et urbain plus cohérent ».

Deux solutions alternatives caractérisent la notion de démobilité:

  • Le développement du télétravail

Le développement du télétravail est l’innovation jugée la plus importante pour Julien Damon. Le concept du télétravail permet à des salariés de travailler en dehors des locaux de l’entreprise qui l’embauche : à son domicile, ou hors domicile, dans une structure appartenant à l’employeur. Il s’agit de « les autoriser, leur permettre, les accompagner – tout en conservant un lien avec l’entreprise – d’avoir une partie de leur activité chez eux, ou à proximité de chez eux[5] ». Ces endroits, caractérisés de « tiers-lieux » s’inspirent des Smart Work Centers (SWC), qui sont des lieux de travail partagés, mis en oeuvre sur le territoire Néerlandais. Ils résultent d’une politique visant à inciter les salariés à se rendre dans les SWC afin de décongestionner la ville, réduire les embouteillage.

  • Le décalage des horaires

Selon une étude de la SNCF, « les trains sont pleins à 250% en heures de pointe, alors qu’ils ont des taux d’occupation de 40% en heures creuses ». La saturation des transports en commun, notamment du réseau francilien rend ces modes de transports parfois invivables, puisque c’est en effet 1/4 des actifs qui travaillent en Île-de-France. Afin de résoudre les problèmes de congestion dans les transports en commun pesant sur le « bien-être » des usagers, la SNCF a mis en place un dispositif innovant sur le territoire pilote Plaine Commune. Ici, c’est moins la réduction de la mobilité qui est concernée plus que la proposition de la désaturation des services de transports. Il s’agit alors d’améliorer la répartition des flux dans la journée afin d’optimiser au possible l’offre de transport sur la journée entière par le décalage des horaires dites « classiques » et d’ «ajuster les horaires des transports et ceux des entreprises ». Ce dispositif permet de favoriser des flux continus et moins contrastés. S. Ce dispositif permet de repenser l’organisation des flux par la synchronisation entre temps de travail et temps de transports par des horaires décalées.

Si la démobilité, semble pouvoir proposer une alternative à une mobilité subie indésirable, par ces proposition innovantes, ce concept est à modérer. En effet, pour Jean Haëntjens il « ne correspond pas à la réalité d’un marché du travail de plus en plus spécialisé[6] », le développement du télétravail permettra d’aménager à la marge la mobilité professionnelle, mais non de « contredire une logique qui pousse à un élargissement continu des bassins d’emplois[7] ».

[1] L’égalité des territoires, une passion française, Philippe Estèbe, PUF, 2015

[2] La ville frugale, Jean Haëntjens, FYP, 2011

[3] La démobilité: travailler, vivre autrement, Julien Damon, Fondapol, 2013

[4] Les 100 mots de la ville, Julien Damon et Thierry Paquot, PUF, 2014

[5] https://www.youtube.com/watch?v=_DmCxwpGhQ8, interview de Julien Damon

[6] La ville frugale, Jean Haëntjens, FYP, 2011

[7] La ville frugale, Jean Haëntjens, FYP, 2011

Crédit image : http://owni.fr/

L’Héritage des Community Organizer (Arnaud Curie)

Barack Obama animant une réunion dans le quartier défavorisé de South Side à Chicago, en qualité de Community Organizer, 1985 Source : Time 

La pratique actuelle de l’urbanisme semble accroître la prise en compte d’initiatives de participation citoyenne. Elle apparaît alors comme une réponse aux critiques adressées aux professionnels de la planification, sur un aménagement en vase clos. Face à une pratique pragmatique et autoritaire de l’urbanisme, les aménageurs se constituent de plus en plus en structures locales favorisant le dialogue avec les habitants, à travers une participation citoyenne active. Ce mouvement prend de l’ampleur dans un contexte de crise du politique et des institutions, où la ville à deux vitesses laisse de côté des citoyens à qui la voie institutionnelle ne permet pas d’exprimer ses revendications. Ce constat peut sembler très actuel, alors même qu’il existe depuis les années 1950-60, et a donné lieu à de nombreuses formes d’initiatives « bottom up » (approche ascendante de la communauté vers le politique). L’urbanisme participatif, défini comme une pratique de fabrication ou d’aménagement d’espaces habités associant des habitants, est alors une des versions et des applications dérivées du premier mouvement citoyen des Community Organizer.

Il s’agit en effet dans ici de revenir sur ce mouvement, qui a donné naissance à un nouveau rapport de force en faveur des citoyens et a remis en cause la capacité des voies institutionnelles à aménager une ville inclusive. Ce mouvement est structuré par la personnalité et les préceptes de celui qui en est considéré comme le père fondateur, le militant Saul Alinsky. Formé à la sociologie à l’Université de Chicago, et proche des théories de Park et Burgess, ses ouvrages et son expérience pratique ont durablement façonné l’approche communautaire nord-américaine. Dans une acception large, le community organizing renvoie à un « processus qui engage des personnes, des organisations et des communautés vers des objectifs tels que l’amélioration de la qualité de vie et la justice sociale ». Si le mouvement des Community Organizer n’est pas un mouvement urbanistique en soi, il participe d’une revendication du droit à la ville pour tous. Les contestations qu’impliquent ce mouvement n’ont pas d’incidence sur l’aménagement urbain, mais ont un impact certain sur les modes de penser la ville. Il s’agit de rendre visibles les injustices sociales dont sont victimes les populations défavorisées dans un environnement urbain stigmatisé (le mouvement a vu le jour dans les ghettos noirs de Chicago), et de faire pression sur les décideurs politiques pour des améliorations de la qualité de vie à l’échelle locale. Ce mode d’action ne peut s’appliquer qu’à l’échelle locale du quartier, car il consiste en une pression communautaire constante. Celle-ci vise à lutter contre les mauvaises conditions urbaines qu’offrent ces quartiers, relégués hors des lieux d’accumulation du capital et issus d’un aménagement urbain discriminatoire. Dans cette perspective, le mouvement de Saul Alinsky apparaît comme une réponse, en écho à l’aménagement de ces quartiers pièges.

Naissance et montée en puissance du mouvement des Community Organizer à Chicago

L’action apparaît comme le moteur de l’organisation communautaire, et constitue la force des populations les plus démunies : il s’agit alors de la notion clé, au centre de la lutte pour l’Empowerment.

Le modèle de Community Organizing initié par Saul Alinsky et auquel nous nous intéressons ici met en place des contre-pouvoirs ayant le rôle de défier les élites politiques et économiques locales. Il s’agit également de leur faire rendre des comptes. Le rôle de l’organizer est avant tout de faire prendre conscience aux laissés-pour-compte de leur propre pouvoir, en tant que groupe social constitué ; et ce et par l’action. La notion clé d’Empowerment désigne cette prise de pouvoir des dépossédés. En effet, les opprimés ne peuvent pas exprimer leurs revendications dans le cadre formel officiel de la démocratie. Face à cette exclusion de la politique, la meilleure réponse est alors de construire ses propres outils politiques. La création d’organisations représentatives du peuple serait un de ces outils politiques alternatifs, à même de maintenir les pouvoirs publics sous une pression populaire. Par l’organisation, toujours soutenue par l’action, les communautés se transforment en force agissante, et acquièrent une source de pouvoir collective et durable. Saul Alinsky a théorisé l’importance de l’action dans ses ouvrages Reveille for Radicals en 1946 et Rules for Radicals en 1971. Il y explicite alors sa méthode et les principes qui guident sa démarche. Les trois principes qui la structurent sont le pouvoir, l’intérêt propre et le conflit. Il s’agit par ailleurs de notions allant à l’encontre de la « bonne morale », et qu’Alinsky perçoit comme des tabous à lever. L’aspect du pouvoir est le principe primordial de l’organizer, car « Aucun individu, aucune organisation ne peut négocier sans le pouvoir d’imposer la négociation ». Pour Alinsky, la mobilisation du pouvoir par l’organizer est garante d’efficacité. Le rôle de l’organizer est de dépasser la gêne éprouvée quant à l’exercice du pouvoir, afin de le faire disposer à la communauté. L’intérêt propre (ou self-interest) est le moyen par lequel l’organizer fait éprouver le pouvoir aux communautés. En effet, il organise une communauté donnée en la mobilisant sur ses intérêts propres. Face au sentiment naturel de la recherche du compromis, l’organizer cherche à doter la communauté d’un pouvoir d’action, qui se caractérise par l’identification de revendications servant uniquement leur intérêt. Le pouvoir d’intimidation provient alors de cette force de l’intérêt particulier. C’est donc ici que le troisième principe de la « méthode Alinsky » prend son sens : le conflit. Si la communauté s’organise autour de son intérêt particulier qu’elle fait valoir, elle se heurte aux intérêts des pouvoirs décisionnaires. Dès lors, l’organizer doit « accepter le conflit non seulement comme inéluctable, mais même comme désirable, car rien ne mobilise autant que l’antagonisme ». Le conflit n’est alors pas seulement vu comme une fatalité nécessaire à la réalisation d’actions, mais comme le moteur de l’action. Plus les habitants ressentent les frustrations et entretiennent des relations d’hostilité avec les instances locales, plus ils ressentent le besoin de s’organiser pour agir et faire peser leur pouvoir en tant que groupe.

Les caractéristiques du mouvement des Community Organizer ont donné lieu à une pratique « bottom up » de l’urbanisme, qui a fait ses preuves dans les ghettos de Chicago et dans les années 1970 dans de nombreuses villes américaines. Les premières applications de ce modèle datent de 1938, lorsqu’Alinsky organise le quartier Back of the Yards, un ghetto de Chicago aux conditions de vie très dures. Son objectif premier était de lutter contre les mauvaises conditions de logement et de santé mais également d’unifier toutes les organisations du quartier, à travers le BYNC. A la fin des années 1950, la réussite de cette organisation était reconnue pour son programme novateur de revitalisation de l’habitat, qui luttait contre la dégradation urbaine en permettant à des propriétaires potentiels d’obtenir un crédit bon marché auprès d’organismes locaux de prêt, afin de rénover les logements anciens et en construire de nouveaux sur les terrains vierges. Il organise ensuite au début des années 1960 « The Woodlawn Organization », du nom du quartier qu’il arme contre la menace de la « rénovation urbaine » de l’université de Chicago. Il fonde également l’Industrial Areas Foundation, association où les futurs organizers se familiarisent avec sa méthode avant de l’appliquer dans les quartiers défavorisés.

L’apprentissage est une notion clé du mouvement, puisque la tâche première de l’organizer est de repérer et former les leaders locaux des communautés. Sa figure est centrale, et il doit faire preuve de pragmatisme : il doit chercher à créer de larges coalitions et des alliances entre les groupes dominés et les services sociaux, les groupes religieux et les collectivités locales. En effet, le travail de l’organizer est de regrouper et fusionner les intérêts de plusieurs communautés locales, parmi lesquelles les communautés religieuses ont une grande importance. Les églises apparaissent en effet souvent comme les éléments structurels des quartiers défavorisés aux Etats Unis. Le mode d’action des community organizer se caractérise par des actions réalisables et localisées. Il s’agit de commencer par des objectifs faciles pour obtenir rapidement des victoires. L’action se caractérise par une pression populaire non violente mais symbolique : il peut s’agir de menacer de divulguer des informations génantes, organiser des grèves, investir physiquement des bureaux de l’administration, ou encore faire des sit-in. Un des modes d’action symbolique de l’appropriation du mouvement en urbanisme est de se coucher devant les bulldozers lorsque la municipalité se lance dans la rénovation urbaine sans l’approbation des personnes concernées. Le moyen est souvent de faire beaucoup de bruit autour d’une injustice afin de créer une pression populaire rapportée par les médias.

Ces méthodes ont eu un succès indéniable dans l’avancée de la démocratie participative aux Etats Unis, et à partir des années 1980, de nombreux services sociaux sont assurés directement par la «société civile », et les organisations communautaires voient leurs financements assurés par des fonds fédéraux et étatiques. Les principes du mouvement ont été récupérés dans de nombreuses villes américaines à travers les Community Based Organisations, qui recouvrent aujourd’hui une part non négligeable de la société civile américaine. Le récent mouvement Occupy Wall Street était par exemple inspiré de ces préceptes.

Sources :

– Jodelle Zetlaoui-Léger, « Urbanisme participatif », in Casillo I. avec Barbier R., Blondiaux L., Chateaureynaud F., Fourniau J-M., Lefebvre R., Neveu C. et Salles D. (dir.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation, Paris, GIS Démocratie et Participation, 2013, ISSN : 2268-5863.

– Orr M., 2007, « Community Organizing and the Changing Ecology of Civic Engagement », in ORR M. (dir.), Transforming the City: Community Organizing the Challenge of Political Change, Lawrence, University Press of Kansas, p. 1-27.

– Marie-Hélène Bacqué, Carole Biewener ; L’empowerment : une pratique émancipatrice, La Découverte, 01/2013, 176 p.

– Michael C. Behrent, « Saul Alinsky, la campagne présidentielle et l’histoire de la gauche américaine », La Vie des idées, 10 juin 2008. ISSN : 2105-3030.

– Andrew Diamond et Pap Ndiaye Histoire de Chicago, Fayard, 520 pp. 2013

Donald C. Reitzes, Dietrich C. Reitzes, Saul Alinsky in the 1980s : two contemporarcy Chicago Community Organizations

La Coulée Verte Comme Instrument d’un Modèle Plus Large Visant la « Mixité » (H. Abu Hamdia)

Quel rôle a-t-on laissé aux locaux, squatteurs, sans-abris, jeunes et vieux délinquants  pour revendiquer les délaissés urbains. Loin de la légitimité de leur existence, il y a absolument nulle part où on ne les voit pas dans la ville ; dans les rues, les parcs, même au métro que l’on suppose payant et bien assez contrôlé, on en trouve. Bref, c’est un phénomène urbain parisien ! Où sont-ils dans la Coulée Verte?

Disposée au-dessus des viaducs qui acheminaient le chemin ferroviaire de Bastille jusqu’au bois de Vincennes.  Le projet a été mis-en-œuvre par la SEMAEST, créée au début des années 1980 et visant, de son nom et son agenda publié, à lutter pour plus de mixité[1].  Un principe généré par les discours keynésiens post-guerre, post industriel, et même, post moderniste. La gauche et la droite se serrent les mains dans cet objectif[2], la mixité !  Au niveau spatial la coulée verte s’étend sur 4.5 km depuis l’arrière de l’Opéra de la Bastille jusqu’au Stade Paul Valéry au bord du boulevard Périphérique. On reconnait qu’un tel élément avec un tel gabarit dans l’espace urbain tiendrait tous les ingrédients qui font l’objet de l’espace public parisien.

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Carte Google Earth par auteur (H.Abu Hamdia)

Une promenade bondée et rapide, La Coulée Verte est un jardin longitudinal élevé du niveau de la rue (de Bastille au jardin de Reuilly), qui n’offre qu’à peine une alternative d’accès piéton. Le boulevard Daumesnil juste en bas fait l’objet avec ses trottoirs assez larges, animés par des  cafés, des boulangeries, des magasins, des boutiques, des carrefours, et tout ce que l’on attend d’un boulevard Parisien. La promenade dans un Bel Etage parallèle est par contre, propre, verte, locale et se place dans un purgatoire ni privé, ni public. Son urbanité n’est que visuelle et sonore ; on entend et perçoit la ville mais on ne la vit pas. Quant à l’interaction qu’elle soit directe, soit sémantique, on ne perçoit que les joggeurs et promeneurs du quartier, chacun(e)n’est  digne que de quelques instants de regards.

Comme une valeur mise-en-cause par plusieurs politiciens, l’objectif de la mixité n’est pas si simple à définir.  Bien que ces projets aient bien créé une base solide pour une mixité sociale plus forte au niveau de logement et de l’accès à l’équipement public, la réflexion abordée ici va au-delà des frontières de ces projets et met-en-question leur interface dans la ville et dans  les quartiers autour.

Cet article met-en-question la mixité dans l’espace public, et interroge à nouveau les instruments utilisés pour la mettre en œuvre. Est-ce que l’on perçoit une « hypocrisie » du discours sur la mixité sociale ?  (Ségolène Royal)[3].  Pourquoi mixité alors ? Cet espace presque exclusif aux habitants des ZAC et les îlots autour, met en cause son urbanité. Il est défié dans son positionnement physique autant que dans son placement dans la hiérarchie parmi les autres espaces urbains.  Tandis que les ZAC, dont la Coulée Verte fait partie et assure la connexion, présument une certaine mixité dans leur programmation à travers les logements sociaux et toute la règlementation sur le sujet. Toutefois la ville ne se compose pas uniquement de ZAC mais est bien plus complexe dans son tissu urbain.

Ce modèle ayant pour objectif la mixité a été adopté dans une ère postindustrielle, une ère de renouvèlement urbain massif, avec des agendas politiques clairs et une action agile. C’était l’époque où l’équipement industriel de la ville laissait un vide difficile à gérer, alors que les rendements avaient disparu. On voulait faire revenir les habitants dans les arrondissements[4]. Comment faire ? Avec les projets urbains, les partenariats. Dans sa complexité, l’équipement industriel urbain et périurbain pose des sensibilités entre histoire urbaine rasée, et patrimoine industriel mono-stylistique, large, froid  et presque vide[5].

« La mixité » fait-elle partie d’une démagogie ? Quantifiant les succès à travers des instruments et des méthodes empiriques et simples, mais qui assombrissent des enjeux plus complexes et plus difficiles à mesurer comme l’urbanité, l’échange et une plus « vraie » mixité intrinsèque et caractéristique de l’espace urbain, loin des agendas politiques. Une question prégnante est la forme d’intervention adoptée par l’acteur principal, SEMAEST dans ce cas-là, afin d’aboutir une mixité plus légitime et plus urbaine.

Bibiliographie

[1] “Rapport d’Activité SEMAEST 2014: Nos Missions : Aménageur et Développeur Économique.”

[2] Heathcott, “The Promenade Plantée Politics, Planning, and Urban Design in Postindustrial Paris.”

[3] Charmes, “Pour Une Approche Critique de La Mixité Sociale.”

[4] Rousseau, “Post-Fordist Urbanism in France’s Poorest City.”

[5] (1945-….), Paris Perdu.

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Avenue Daumesnil et le Viaduc des Arts (à droite). Photo par auteur. H.AbuHamdia

 

 

FUCK THE CONTEXT – Dans la tête de Rem Koolhaas (Arnaud Curie)

DANS LA TÊTE DE REM KOOLHAAS

Petite synthèse sur une manière radicale de repenser l’urbain.

Le néerlandais aux multiples casquettes, architecte, urbaniste, scénariste, écrivain, journaliste, et surtout penseur de l’urbain et de l’architecture, a une vision radicale du monde dans lequel nous vivons. Tentons d’y voir plus clair, avec une synthèse pour enfin être au clair avec le « fuck the context » qu’on entend partout.

Rem Koolhaas est capable de dire tout et son contraire. Capable d’affirmer que le shopping a tué nos métropoles, tout en construisant des boutiques de luxe. Dans son ouvrage de 1978, Delirious New York, Koolhaas pose les bases de sa théorie de la Bigness. Selon lui, la ville urbaine classique anciennement définie par la congestion de ses rues, se retrouvent vidées de vie sociale, sous l’effet conjuré de la voiture et de la vitesse. Cette congestion se retrouve aujourd’hui dans les bâtiments démentiels, congestionnées par les outils modernes tels que ascenseurs, le placoplatre, le béton, etc… Certains bâtiments catalysent cette congestion. La Bigness n’a plus besoin de la ville : elle entre en compétition avec la ville ; elle tient lieu de ville ; elle préempte la ville ; ou mieux encore, elle est la ville » (p. 40). Koolhaas dénonce ainsi la complexification de l’urbain contemporain.

Cette congestion catalysée « provoque l’autonomie des parties, ce qui ne revient cependant pas à une fragmentation : les parties demeurent liées au tout » (p. 32). Ces parties sont reliées entre elles, elles constituent un archipel particulier, en voie d’autonomisation, et d’expansion comme par-dessus l’ancienne ville. Pour Koolhaas, certains bâtiments immenses, ceux de la Bigness, ne répondent plus à un ensemble cohérent de principes moraux, politiques ou utopiques. « Par leur seule taille, les bâtiments de ce genre entrent dans un domaine amoral, par-delà bien et mal. Leur impact ne dépend pas de leur qualité ». Koolhaas décrit ainsi  la fin de la ville et l’absence de toute figure cohérente pour la remplacer. C’est de la que vient son fameux « Fuck the context ». La Bigness ne fait plus partie d’aucun tissu urbain. Elle existe, au mieux elle coexiste.

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La tour de la TVCC (Pékin) en feu lors de sa construction, 2009.

Pour Koolhaas , la ville éclate comme du pop-corn : partant dans tous les sens et gagnant en intensité. Il veut remplacer le sens par l’échelle, et fait exploser les monuments vides en gros bâtiments pleins pour déplacer et accroître l’intensité des espaces ouverts, des dérives commerciales.

Le tissu urbain extérieur est distendu et lâche, les surfaces urbaines sont vidées et lissées, mais les intérieurs se remplissent : des pôles concentrent, contractent, digèrent. Ils remplacent l’horizontalité de la ville par la verticalité de ce nouveau tissu, dont la première qualité est d’intensifier l’expérience marchande. La dimension économique est donc prégnante dans la vision urbanistique de Koolhaas. Les lieux de la Bigness sont connectés, par l’information, les moyens de transport. Cette capacité à se connecter à un tissu urbain qui s’est étendu à la planète fabrique des interconnections entre grands pôles, qui rendent inutiles les restes d’hinterland et les rues, la ville traditionnelle.

Koolhass se pose la question du contrôle de la ville. Pour lui, les créateurs d’espaces deviennent impuissants, et l’espace urbain est un assemblage in-gouverné, hétéroclite. L’urbain de Koolhaas n’est pas planifié par en haut, mais selon des intensités plus ou moins fortes, des sièges sociaux aux bidonvilles. L’urbain de Koolhaas est fait de suites d’hôtels en avions, d’aéroports en suites, l’urbain paraît sans avenir, fin de l’histoire.

La technique de Koolhaas passe par la création du paradoxe. Il produit une esthétique non du choc, telles les avants-gardes surannées, mais de la confusion. Il laisse confus. Son style d’épuisement de la réalité urbaine sans ordonnancement apparent permet à la fois de mettre en jeu toutes les réalités, de laisser croire à leur connexion, tout en bavardant sur leur incompatibilité.

On remarque au passage, que l’absence de théorie du temps et de la génération des espaces du Junkspace se prolonge dans la définition de l’urbanisation qui en découle. Si l’urbanisation est un processus, on ne peut pas décemment la définir par un point de départ ; la ville (industrielle), et un point d’arrivée; un tissu informe et mondial.

Le travail de Koolhaas est donc controversé, mais majeur. Il divise et provoque, mais a su convaincre grâce à des théories architecturales solides. En conclusion, on peut citer Gilles Deleuze, qui parle de Koolhaas selon ces termes : « Il se définit comme le théoricien du chaos, mettant en avant les « tensions modernes et l’impermanence des choses. »

Son agence : OMA (Office for Metropolitan Architecture ) : http://oma.eu/

Ses trois oeuvres majeures :

  • Delirious New York
  • S,M,L,XL
  • JunkSpace

Toutes les citations proviennent de son livre JunkSpace (2011). 

La ville au dépend de l’agriculture – J. Chachuat

Périurbanisation, un phénomène contemporain :

Le terme de périurbanisation traduit un processus de développement des franges urbaines lié à une forte croissance urbaine répondant aux besoins d’une population grandissante au lendemain de la seconde guerre mondiale. On observe alors un déplacement de population, quittant les zones urbaines pour aller s’implanter dans les zones rurales. Le phénomène commence à proximité des agglomérations à partir de la fin des années 50 et se poursuit dans les zones plus écartées des tissus urbains traditionnels entre 1965 et 1975, provoquant une nouvelle politique des territoires périurbains.

Ces déplacements sont la conséquence à la fois d’un désir de campagne et de la démocratisation l’automobile, conjuguée à l’amélioration des moyens et des voies de communication : l’espace périurbain français est ainsi caractérisé par une morphologie paysagère rurale, mais dont les habitants travaillent dans une ville. Les conséquences sont tout particulièrement frappantes d’un point de vue spatial : la périurbanisation traduit un processus d’extension de la ville qui conduit à la perte des milieux naturels et/ou ruraux pré-existant. En France, en 2011, selon le ministère de l’écologie, une moyenne de 165 hectares de milieux naturels et terrains agricoles sont détruits chaque jour ; remplacés par des routes, des habitations, et des zones d’activité.

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Le foncier agricole :

L’évolution des prix des terrains agricoles a connu de forte fluctuation depuis la fin de la seconde guerre mondiale.  Des années 1950 jusqu’à 1968 la croissance urbaine s’accélère et le marché immobilier est plus favorable dans les zones périphérique. Dans le même temps, le prix des terrains agricoles augmente significativement. On observe ensuite un statu quo jusqu’au premier choc immobilier, en 1973. S’en suit une montée jusqu’à atteindre un maximum. Cependant le second choc immobilier en 1979 amorce une inexorable dépression. Cette tendance tend toutefois à se stabiliser, voire à s’inverser depuis le milieu des années 1990, en particulier dans les régions les plus urbanisées. Les possibilités de conversion des terres agricoles à des fins résidentielles dans les zones périurbaines, et les espoirs de gains que cela suscite, expliqueraient pour l’essentiel cet attrait récent.

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La terre, par définition, n’étant pas reproductible ; et soumise à de nombreux usages parfois concurrentiels, devient une denrée rare, objet de convoitise. Ainsi, on peut largement expliquer le fort coefficient des hausses des prix des terres agricoles ces dernières décennies par un phénomène de spéculation. En effet, le marché immobilier profite d’une incertitude et parie sur le possible changement d’usage des sols à moyen ou long terme. En France, de 1997 à 2010, le prix des terres libres a en moyenne augmenté de 65%. Si cette hausse s’explique aussi par un certain engouement pour des terres agricoles de plus en plus rares, elle est largement imputable à une pure spéculation basée sur une « rente foncière résidentielle » potentielle. Cette influence explique d’ailleurs l’hétérogénéité de la hausse des prix du foncier agricole, particulièrement marquée à proximité des métropoles et tout particulièrement en région parisienne. D’autre part, ce phénomène est avéré et encouragé par le grand nombre de terres agricoles ayant rapidement changé d’usage après leur vente.

Cette pression foncière qu’exerce l’extension des villes sur les terres agricoles se traduit principalement par deux problèmes liés au statut des agriculteurs dans la protection des terres :

  • le fermage : avec un fort déséquilibre entre les droits de bailleurs et des preneurs, les propriétaires de terres agricoles peuvent eux-mêmes préférer délaisser ses terres à l’abandon ou de les boiser, élément qu’amené à la perte de terres cultivables.1 
  • le grignotage : dans de nombreux cas, la pression est telle que des investisseurs privés parviennent directement à acquérir des terres cultivables qu’ils délaissent en attendant leur changement de statut

Aujourd’hui, les terres agricoles situées en proximité de grandes agglomérations, représentent une réserve foncière « banale ». Selon les dernières études réalisées par Agreste (service statistique et prospective du Ministère chargé de l’Agriculture), sur le plan national, la consommation d’espaces agricoles par l’urbanisation est estimée à 80 000 ha par an soit l’équivalent de la surface agricole moyenne d’un département en 4 années.

Les conséquences sont multiples, de l’impossibilité de s’installer pour de jeunes agriculteurs à un grignotement inexorable de l’agriculture sous pression économique…

Dispositifs pour conserver les terres agricoles :

« En France, jusqu’au début des années 1970, les espaces agricoles étaient considérés comme des espaces libres pour l’urbanisation. Mais depuis que le continuum urbain a commencé à se développer de manière désordonnée, l’Etat et les collectivités locales se sont engagés à mettre en oeuvre des stratégies de planification urbaine, pour mieux maîtriser la transformation de l’occupation du sol a la périphérie des villes »2. 


Avant la loi de décentralisation de 1983, au moment même où le périurbain commençait à se présenter comme une catégorie d’espace à part entière, l’Etat, par le biais des acteurs institutionnels des divers services administratifs tels que les ministères de l’Agriculture et de l’Equipement, détenait le rôle le plus important dans le choix et l’orientation de la politique d’aménagement du territoire. L’intervention des communes concernées par cette politique était limitée à l’approbation des POS. Mais après 1983, le rôle de l’Etat a été réduit et le pouvoir qu’il possédait a été, en grande partie, cédé aux collectivités locales et territoriales. La planification des territoires périurbains est désormais prise en charge par des structures intercommunales (Communauté de communes, Districts ou Syndicats intercommunaux, etc.)

Les PLU et les SCoT sont des outils destinés, entre autre, à protéger et à maitriser la consommation du foncier agricole. Alors que le PLU définit le projet global d’urbanisme à une échelle communale, le SCoT précise les grands équilibres entre les espaces urbains à une échelle plus intercommunale. D’autre outils plus spécifique, à échelle intermédiaire et invoquant l’Etat en gardien, viennent compléter ce système. Ils sont ainsi plus compliqués à découdre et vise à privilégier l’intérêt général :

  • les Zones Agricoles Protégées (ZAP) qui érige la « vocation agricole » d’un territoire en « servitude d’utilité publique» annexée au PLU
  • Périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains (PAEN) qui associe un zonage et un programme

Cependant, à l’exception des PAEN, ces outils sont dépourvus de programme d’action. Aussi, les Sociétés d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural (SAFER) apparaissent comme un outil d’action concrète de maîtrise du foncier agricole. Ces dernières ont pour but de préserver les terres agricoles, profitant d’un droit de préemption sur des biens agricoles ou ruraux : systématiquement informées des projets de vente par les notaires, elle peuvent acheter à la place de l’acquéreur initial dans le but de revendre à un autre acquéreur dont le projet répond mieux aux enjeux d’aménagement locaux. Mais ces dispositifs manquent de moyens financiers pour capter le foncier et lutter efficacement contre la spéculation ; de plus, la priorité à l’installation qu’elles affichent ne se vérifient plus. En 2011, elles s’établissaient à moins d’un tiers des surfaces attribuées. Aussi, des alternatives solidaires à l’image de l’association Terre de liens sont mises en place. Cette dernière acquiert des terres agricoles ou des fermes et les met à disposition d’agriculteurs en location, pour y développer une agriculture biologique. Basé sur le don et l’épargne solidaire, ce système a toutefois encore un impact encore limité.

Aujourd’hui, à l’image du Plateau de Saclay, on observe une nouvelle forme de résistance, organisée par les agriculteurs eux-mêmes. Celle-ci se caractérise par une valorisation des terres agricoles permise par une diversification de l’activité, tirant profité de cette proximité a priori problématique avec la ville. On observe ainsi la mise en place de circuits courts, du réseau AMAP au marché de la Ferme de Viltain, de transformation directe du produit agricole, d’activités nouvelles telle que la cueillette… On peut dès lors imaginer une nouvelle forme de lutte : celle d’une variété d’usages agricoles au delà de l’agriculture stricto sensu pour concurrencer l’urbanisation et faire valoir une une densité des terres agricoles.

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1.« La majorité des terres appartiennent a des non-agriculteurs et ce, depuis des générations » SIPS (Schema Directeur du plateau de Saclay étude agricole), op. cit., p. 8.

2. Berger M. “Vers de nouveaux types de rapports villes-campagnes Ia production des espaces en France et dans les pays développés d’économie libérale”, in STRYFES n°4, 1989