Une notion incontournable dans la conception des projets urbains: la mixité sociale (F.Neret)

La notion de « mixité sociale » désigne la cohabitation sur un même territoire de groupes sociaux aux caractéristiques diverses et un processus ainsi que le fait de faciliter la cohabitation sur un même territoire de groupes divers selon le statut professionnel, les caractéristiques ethno-raciales ou les revenus afin d’avoir une répartition plus équilibrée des populations. Cette notion, aux contours floues, est un concept majeur en urbanisme et en matière de logement, dont les pouvoirs publics se sont saisis depuis une vingtaine d’années, notamment par le biais de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU) du 13 Novembre 2000. Cette loi vise à conduire les communes à diversifier leur offre résidentielle au nom de la mixité sociale afin de se référer à un idéal égalitaire et de justice sociale en les soumettant à un ratio de 20% de logements sociaux sur leur territoire.

Cette notion s’inscrit dans le discours politique en opposition au concept de ségrégation spatiale et « est mobilisée comme antidote à la ségrégation urbaine, moyen de sauvegarder la cohésion urbaine et de construire une ville durable ». C’est une notion utilisée dans le droit de la ville, du logement mais également dans la lutte contre les exclusions. Elle apparaît désormais dans chaque projet de rénovation urbaine ou neuf.

La ségrégation s’oppose à la mixité et signifie que les populations, notamment étrangères, cumulant les difficultés sociales, économiques, d’éducation seraient concentrées en un même endroit dans les quartiers prioritaires, dans lesquels vivent 4,8 millions de Français aujourd’hui et font l’objet des politiques de la ville pour l’intégration de leurs habitants. Il s’agit des résultats des grands programmes de construction des années 1960. Il s’agissait alors de construire vite pour répondre à la pénurie de logements, ce qui s’est régulièrement traduit par de l’habitat de grands ensembles, sans équipement et emplois autour pour absorber une telle population, composés pour la plupart d’habitants issus des différentes vagues migratoires qu’a connues la France, ce qui en a accentué la paupérisation et la dérive ségrégative.

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Manuel Valls, après les attentats de Janvier 2015 contre Charlie Hebdo évoque même un véritable « apartheid territorial, social, ethnique » qui accentuerait la fracture sociale entre Français, source réelle et avérée, selon les politiques, de risques pour la cohésion.

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Déclaration de Manuel Valls à la presse après les attentats de Charlie Hebdo le 07 Janvier 2015

L’Etat s’est donc emparé de cette question sur le plan législatif et la loi SRU, mais c’est au niveau local que se mettent en place les politiques en faveur de la mixité. Les pouvoirs publics conçoivent plusieurs manières de la mettre en œuvre :

  • L’introduction des ménages appartenant aux couches populaires dans des quartiers aisés à travers l’acquisition d’immeubles privés et le versement d’une partie des logements au parc social.
  • Introduire des populations moyennes dans un tissu plutôt défavorisé en mettant en place par exemple des logements sociaux qui s’adressent à un public à plus fort niveau de ressources et diversifier la population de quartier dits populaires.
  • Introduction de classes moyennes qui « tirent vers le haut le quartier » sans pour autant améliorer le cadre de vie des habitants. Cette venue provoque l’embourgeoisement des quartiers, et expulsion des plus démunis face à une hausse des prix. Il ne s’agit dès lors que d’un déplacement du problème.

Ces politiques de mixité ont des effets contrastés, voire contradictoires. En effet, dans le premier cas, les politiques envisagent la notion de mixité sous les prismes de « peuplement » ou « d’occupation sociale » qui offrent des lectures trop figées des quartiers et de leurs habitants et qui ne tiennent pas compte de ce qui fait réellement société : le besoin d’entre-soi et les logiques affinitaires qui existent tout autant dans les quartiers aisés que dans les quartiers populaires. La solution serait à chercher en réfléchissant davantage sur les trajectoires individuelles et la promotion des mobilités internes, au quartier (passage de la tour A à la tour B, mieux perçue) et externes répondant aux évolutions sociales ascendantes et descendantes. Ainsi, la fluidité de la gestion permettrait de changer la représentation des logements sociaux qui seraient alors vus davantage comme des lieux à investir que comme des impasses ou des assignations à résidence. » Ces phénomènes conduisent à des itinéraires résidentiels contraints, perçus comme violents à la fois du côté des nouveaux arrivants et du côté des anciens, qui se représentent leur situation comme un déclassement comme l’a prouvé par exemple, le rachat de logements privés dans un arrondissement cossus de Paris, le 9ème par l’OPAC (Office public d’aménagement et de construction de Paris ) pour en céder une part à des logements sociaux dans les années 2000.

Dans le second cas, l’introduction de minorités est contrastée. En effet, les classes moyennes, cibles de nouvelles opérations, ne se tournent pas aisément vers des quartiers qui ont mauvaise presse, en raison d’une certaine peur du déclassement que viendrait conforter un tel choix résidentiel, perçu comme négatif. En cas de venue, il n’est pas dit que cette mixité dans les logements du quartier ait des effets dans le partage des espaces publics ou encore au sein des établissements scolaires des quartiers, ce qui en limite véritablement la portée.

Le troisième cas illustre le phénomène de gentrification, c’est-à-dire que les nouveaux arrivants mieux dotés en capital culturel et économique s’approprient un espace initialement occupé par des habitants moins pourvus de ces capitaux et transforment à terme le profil social et économique d’un quartier comme ce fut le cas dans nombre de quartiers, à Paris par exemple, dans le 19ème arrondissement.

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Fresque murale à Paris

La notion de mixité sociale est donc employée dans les discours politiques de tout bord et apparaît à la fois comme un slogan, un idéal, un pseudo-concept statistique, un principe régulateur, une utopie, notamment dans la manière de penser l’urbanisme. Il s’agit donc d’un concept-flou, un mot-valise qui permet aux politiques d’affirmer un consensus politique et éthique. Néanmoins, dans les faits, le manque de précision de cette notion en fait un simple principe d’affichage qui a du mal à se concrétiser dans les projets urbains.

Références:

Revue espace et sociétés:

  • Bacqué et al., « « Comment nous sommes devenus hlm ». Les opérations de mixité sociale à Paris dans les années 2000 ».
  • Desponds, « Effets paradoxaux de la loi Solidarité et renouvellement urbains (sru) et profil des acquéreurs de biens immobiliers en Île-de-France ».
  • Genestier, « La mixité ».

Revue métropolitiques:

  •  La mixité sociale: objectif ou résultats des projets de rénovation urbaine?
  • « Ghetto », « relégation », « effets de quartieré. Critique d’une représentation des cités

Site de DPH:

  • La mixité sociale, définition, échelle et conséquence

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